« Je veux dépasser mes limites » « Il n’y a aucune limite » « Sans limites, sans bornes » « Je me fonds dans l’autre » « Il/elle est à moi » « Il/elle me possède »
J’utilise ces phrases, ces expressions, que nous avons toutes et tous déjà entendues dans différents contextes, sportif, politique, relationnel, etc. Qu’est-ce qu’une limite? Une ligne de démarcation entre 2 espaces qui permet les échanges. Simplement, une limite est ce qui permet de préserver l’intégrité d’un tout à la rencontre d’un autre tout. Elle peut avoir de nombreuses qualités, être poreuse, opaque, transparente, souple, rigide, etc. et avoir de nombreuses fonctions. Mais à retenir que cette marque de séparation d’un milieu à un autre rend possible le partage d’information.
Dans le monde actuel, qui est une totalité vivante et qui avance dans le temps donc radicalement différente du moment qui le précède, sa nécessité se conjugue dans l’abolition des frontières, des limites, des espaces, des cultures spécifiques, des pensées contradictoires, de notre intégrité individuelle et collective, des différences et distinctions qui, en faisant synthèse, permettent une réelle richesse de partage et d’expressivité du potentiel infini de la nature.
Nous sommes imprégnés d’interrelations fonctionnelles, ou si vous voulez de rapports sociaux, dès l’enfance, dans l’environnement familial qui n’est pas une structure autonome mais s’inscrit dans un contexte historique et temporel donné. Notre conscience est toujours conscience de quelque chose. Dans ces espaces dans lesquels nous évoluons, nous recevons des conditionnements, des croyances, des héritages, une culture, qui ont traversé le temps et qui se sont façonné pendant des siècles. Ils ne sont pas « nous » en tant que le « nous » serait une parcelle du tout infini qui nous traverse. Comme disait Héraclite, l’être est un devenir. Aujourd’hui, l’être de notre devenir, qui est un être, se débat, se recroqueville, se tord, se noue, se tend, se cherche dans des espaces de plus en plus indistincts, de plus en plus homogène, de moins en moins enclin à accepter l’autre, la différence distincte.
On se perd, on s’oublie et finalement, on se retrouve, disait le philosophe allemand Hegel.
Au fil de notre développement, nous comprenons notre place dans l’échiquier des forces contradictoires qui est lui-même issu d’un rapport social qui le rend possible et donc nécessaire. Si le gland du chêne a contenu en lui la puissance de son être qui est de devenir un chêne, alors l’être humain contient en lui la puissance de devenir l’être humain, c’est-à-dire ce devenir en mouvement, cette communauté d’êtres distincts, unie par l’amour dans l’être, dans son devenir.
Pouvons-nous dépasser une limite que nous ne connaitrions pas?
Notre rapport à l’extérieur, au niveau du visible, est la frontière de la peau. Cette peau est le témoignage de toute notre histoire logée en elle. Elle porte nos joies, nos peines, nos passions, nos excès, nos blessures, nos rancunes. A chaque étape de nos vies, elle nous rappelle ce que nous n’avons pas réussi à laisser derrière nous au fil du temps et qui s’est inscrite en elle. En apprivoisant cet organe, ce recueil vivant, nous nous réapproprions notre histoire, notre récit personnel et individuel mais aussi collectif de toutes nos rencontres agréables et désagréables. Nous nous donnons de l’oxygène car la peau est presque notre premier « poumon ». Nous redonnons de l’espace, nous redonnons fonction à cette limite, à cette démarcation. Nous lui permettons d’être avec l’extérieur notre manière de rentrer en lien avec l’autre en acceptant qui peut nous toucher. Nous nous retrouvons pour qui nous sommes: un être entier, complet, qui cherche à croître au contact d’autres êtres entiers. C’est seulement en nourrissant notre espace et donc, en acceptant nos limites, que nous pouvons entretenir de saines relations avec l’extérieur.
Texte: Jimmy Sawyer
Image: Couverture du livre: La Dimension Cachée, Edward T. Hall
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